Plaidoyer d’Omar Radi

Mot prononcé lors de la dernière audience de son procès, tenue le 19 juillet 2021, au niveau de la Chambre criminelle, près la Cour d’appel de Casablanca.

-O. Radi : « Je souhaite exprimer en premier lieu toute ma fierté et ma gratitude pour ma famille. Je suis si fier de recevoir autant de preuves d’amour et de solidarité qui s’expriment autour de mes parents. Ils sont aujourd’hui des symboles du combat pour la liberté. Ma liberté et celle de l’ensemble des détenus d’opinion et des prisonniers politiques dans le pays.

En deuxième lieu, je souhaite exprimer ma gratitude aux honorables membres de la défense qui me soutiennent depuis le début de ce procès. A leur tête, le bâtonnier Me Abderrahmane Benameur qui ne cesse de défendre les principes de justice pour vaincre le désespoir et les reculs des libertés qui règnent dans le pays.

Après ces mots de remerciements et de reconnaissance, je voudrais vous confier ma déception à la suite de la plaidoirie de Mr. le Procureur général. Je suis déçu car je pensais que le duel entre le Parquet et l’accusé et sa défense devrait être un affrontement entre des adversaires honorables. Or durant cette plaidoirie, je n’ai aperçu aucun signe de fairplay. Je détaillerai les raisons qui me poussent à faire ce constat.

Au sujet de « Arnaud Simons »

Vous m’avez posé la question au sujet de « Arnaud Simons ». Pour le Parquet et la BNPJ, il s’agit « d’une identité de couverture » d’un agent secret. Je vous ai présenté les documents attestant que cette personne existe bel et bien. Nous vous avons remis un dossier composé de : Carte de séjour émise par la DGSN, Carte grise émise par le ministère de l’équipement, relevé bancaire, etc.

Le Procureur général m’a posé la question pour savoir pourquoi je n’ai pas corrigé l’orthographie de ce nom chez la BNPJ. J’ai bien répondu au sein de cette salle que j’ai apporté mes observations chez la police judiciaire mais mes remarques n’ont pas été prises en compte par eux. En plus, j’ai montré que les services de police ont tous les moyens pour trouver l’identité de cette personne. 

Malgré mes précisions, la plaidoirie du Procureur général n’a pas pris en compte ces éléments factuels et mes réponses. Le Procureur général continue de penser que « Arnaud Simons » est une « identité de couverture » ! »

 – Le juge Torchi : Mr Omar

– O. Radi : Oui, Mr Le Président

– Le juge Torchi : Il ne vous a pas été demandé de refaire une plaidoirie, mais de prononcer un dernier mot.

– O. Radi : Ce que je dis est un mot de la fin. Mr Le Président, Mr Le Président, nous sommes dans un procès très sérieux, suivi par l’opinion nationale et internationale. Si je ne dis pas mon dernier mot durant cette audience, où vais-je le dire ? Permettez-moi de prendre le temps qu’il faudrait pour dire ce que j’ai à dire. Et tout ce que je dirai concerne le fond du dossier. Si vous permettez. Sinon, je préfère revenir à ma place !

– Le juge Torchi : Le dernier mot si Omar…

– O. Radi : Il s’agit bien de mon dernier mot. Est-ce qu’il existe des règles bien précises pour cet exercice Mr le président ?

– Le juge Torchi : Il s’agit de propos déjà tenus.

– O. Radi : Je n’ai pas tenu ces propos durant les précédentes audiences. Le Parquet est pris en flagrant délit de falsification de l’identité d’une personne en vue de tromper la Cour. Cette manœuvre ne porte pas préjudice, mais…

– Le juge Torchi : Assumez les propos que vous tenez !

–  O. Radi : J’assume pleinement mes responsabilités. Ajoutez aussi cette accusation contre moi. Le Parquet est pris en flagrant délit de falsification. Cette institution a falsifié une charge pour me porter atteinte. Et je n’ai pas encore terminé. « Arnaud Simons » est une personne de nationalité belge, il a travaillé au sein de l’ambassade de Belgique avant de rejoindre l’ambassade des Pays Bas. Nous avons apporté les preuves que cette personne existe réellement. Il s’agit d’un employé salarié et non d’un diplomate. Malgré toutes ces précisions apportées auprès de votre honorable Cour, le Parquet avec mauvaise foi, pernicieuse, continue de répéter qu’il s’agit d’une « identité de couverture ». Son seul objectif : M’humilier, salir ma réputation et me coller des accusations fabriquées.

Au sujet de ma collaboration avec « l’entreprise K2 »

Ensuite parlons du cas de l’entreprise « K2 ». Pour le Parquet, il s’agit « d’une entreprise condamnée précédemment dans une affaire d’espionnage ». Quelle est la preuve qu’apporte le Parquet pour prouver ce qu’il avance ? Le Parquet nous a présenté un sombre et unique article de presse trouvé en ligne pour avancer cela. Sérieusement, sommes-nous dans le café du commerce ou bien sommes-nous au sein d’une Chambre criminelle d’une Cour d’appel ? S’il y a condamnation, elle doit être prouvée par une décision de justice. Vous ne pouvez pas me ramener un article douteux sur internet pour prouver des faits graves. Internet est un nid à canular et fausses nouvelles, Internet a tué Haja Hamdaouia quatre-vingt-dix fois, avant qu’elle ne décède réellement. Où est la preuve de la condamnation de cette entreprise ? Donc, soyons sérieux et soyons à la hauteur des charges lourdes qui sont discutées durant ce procès.

La société K2 n’a pas été condamné comme avance le parquet. Ma collaboration avec cette entreprise a consisté à du conseil dans le cadre de l’économie agricole et précisément pour faire une étude sur le potentiel du secteur du palmier dattier dans les zones oasiennes du Maroc en vue d’un investissement pressenti par un de leur client. Ceci je l’ai dit et répété chez la BNPJ et ici-même.

Au sujet de « Fondation Bertha »

Puis, nous arrivons au cas de Tony Tabatznik, fondateur de la Fondation Bertha. Le parquet avance qu’il est de nationalité sud-africaine. Et la source de Mr Le Procureur général ? Chouf TV !!! Oh mon Dieu, ce site…le moins qu’on puisse dire est qu’il est spécialisé dans la publication des bassesses. Or ce site de diffamation devient la source du Parquet dans ce pays !

Tony Tabatznikest un ressortissant britannique, il a fondé Bertha Fondation dont le siège se trouve à Genève et elle dispose d’un deuxième siège à Londres. La BNPJ pouvait trouver toutes ces infos. Comment se fait-il qu’un Parquet au sein d’une Chambre criminelle puisse produire d’aussi faibles informations manquant de crédibilité ? Pourtant, durant mes réponses, j’ai apporté toutes les précisions nécessaires, le Parquet continue à répéter les mêmes propos. Je crains que le Parquet ne soit pas animé par un désir de justice ou d’enquête pour trouver la vérité mais bien par un désir de vengeance, la pire tare de l’humanité.

En écoutant M. le Procureur général durant l’audience à huit clos, je me suis cru dans une pièce théâtrale d’Adil Imam passant chez les services de renseignement d’Egypte.

Au sujet de « la violation de la présomption d’innocence »

Durant sa plaidoirie, le Procureur général a répété de manière récurrente au sujet de mon dossier qu’il révèle « des odeurs d’espionnage ». Mais Mr le Procureur général n’a-t-il pas senti aussi « les odeurs de la vengeance » et du « procès politique » qui émanent de mon dossier comme l’a constaté l’opinion publique ?

Mr le Procureur général me dit que je dois présenter les preuves de ma bonne foi. Mais il s’agit ici d’une violation grave du principe premier de la justice : La présomption d’innocence. Nous sommes revenus au temps de l’inquisition et des tribunaux religieux durant le XVIème en Espagne. Comme si le Parquet m’accuse que je suis une sorcière ou un terroriste et c’est à moi de prouver le contraire.   

Le Parquet le plus puissant du pays, disposant des moyens énormes de la BNPJ, au sein de la plus haute instance pénale du pays, ne s’est pas posé la question ou l’hypothèse, juste un instant, que « nous n’avons rien à reprocher à Omar Radi ». Cette hypothèse est-elle possible dans leur esprit ? Mr Le Président, la responsabilité du Parquet est d’apporter la preuve, la charge.

Ce procès est symptomatique d’une situation globale dont souffre notre système judiciaire. Le Parquet devient comme ce fardeau qui empêche la magistrature de se transformer et aller de l’avant pour devenir une institution moderne, rendant la loi au-dessus de tous. Je le dis que j’assume mes responsabilités.

– Juge Torchi : (tente d’interrompre)

– O. Radi : Mr Le Président, j’ai presque terminé. Je dois dire ce qui me reste pour partir la conscience tranquille.

Au sujet de ma collaboration avec « G3 »

Le Parquet avance que j’étais à la recherche de données personnelles d’actionnaires d’entreprises lors de ma collaboration avec « G3 ». Une nouvelle fois, le Parquet fait mine de ne pas vouloir écouter mes réponses. Ceci constitue un manque de respect à moi et  à votre Cour.

On ne peut pas ignorer ce qui se dit durant ce procès et revenir à la charge, sans preuves. Je répète ce que j’ai dit : Ma mission dans le cadre des due diligence constitue à trouver si des actionnaires ont des antécédents au sein de juridictions commerciales, si une de leurs entreprises a déjà déclaré faillite, etc. Ce type d’informations est n’est pas complétement public mais il n’est pas non plus secret. Il s’agit d’informations disponibles sur des bases de données de l’Etat notamment au niveau des tribunaux commerciaux ou bien sur des bases de données payantes qui nous mettent à disposition ces informations. Où sont-ils donc les soupçons et les odeurs d’espionnage ?

Au sujet de la traduction de l’anglais à l’arabe de certains termes. Laissez moi vous exprimer Mr Le Président ma frustration à ce sujet : Il s’agit d’une grave problématique.  La Chambre criminelle accuse une personne de charges très lourdes et commet des erreurs dans la traduction. Encore une fois, j’ai rectifié les mots discutés sans que ceci soit pris en compte. Il s’agit précisément de l’expression : « Human ressources insights ». Cette expression renvoie à ce que l’étude produite doit contenir des informations délivrées par des personnes physiques. Malgré cela, le Procureur général estime que je devais « fournir des ressources humaines et un réseau ». Mais de quoi parle-t-on ? Le Parquet encore une fois est hors propos.

En résumé, concernant les accusations d’espionnage. Le Parquet avance ces accusations depuis le début, que je réfute. Dans un procès équitable, la prochaine étape c’est que le Parquet apporte ses preuves accablantes pour attester ses dires. Dans ce procès, nous sommes face à un vide, le néant en termes de preuves.

Au sujet des accusations de « viol »

À propos de  ce qui est appelé « viol ». Je commence par des rappels de bons sens. En premier, une relation sexuelle au sein d’une maison pleine de monde ne peut être qu’avec un consentement entre les deux parties. C’est logique. En deuxième lieu, qui est ce fou qui obligerait une personne à avoir une relation sexuelle, avec tout ce que ça aura comme conséquences sociale, professionnelles, économiques et politique sur lui alors que de lourdes charges pèsent déjà sur lui dans d’autres dossiers ? Je pose la question autrement : Qui est ce fou qui est auditionné quotidiennement par la BNPJ, pisté par Chouf TV, les berguagua (mouchards), qui l’attendent au tournant et qui oserait commettre un tel crime en se jetant sur une autre personne en présence de témoins ? Sachant que des journalistes ont déjà subi les mêmes scénarios sexuels. Ceci ne tient pas debout Mr. Le président !

Le Parquet et la défense de la Partie civile ont tenté de construire une fable de manière éhontée. Ils ne disposent pas d’une seule preuve pour prouver cette accusation de « viol ». Cette personne se trouvait sur moi au début de la relation sexuelle. C’est elle qui choisissait les positions sexuelles qu’elle préférait. Cette relation était marquée par des rires et des caresses. Quand nous avons terminé, nous sommes allés à la salle de bain se laver. A mon retour, je lui ai souhaité bonne nuit et je l’ai embrassé. Elle m’a retenu et elle a demandé de faire un cunnilingus. C’est bien elle qui m’a mis la tête entre ses cuisses. Et ça a duré 10 à 15 minutes. Mais où sont la violence et le viol dans tout cela ? Quand on a terminé, nous nous sommes lavés une deuxième fois et nous sommes partis dormir chacun dans son côté.

– Le juge Torchi : Omar conclut ton mot…

– O. Radi : Pour conclure Mr Le président, je dirai que le Parquet a choisi de privilégier une version faible des faits d’accusations de « viol », alors qu’il devait écouter la version d’une personne qui était présent au moment des faits. Ce choix n’est nullement judiciaire, c’est un choix politique. Le Parquet s’est ainsi rangé, non pas en faveur de la victime présumée, mais contre Omar Radi. Comme souvent, le Parquet a une obsession nommée les journalistes et les opposants. Ce qui est un drame pour le pays. 

Pour terminer, en tant que citoyen de ce pays, je suis toujours fier de nos médecins, de nos instituteurs, de nos juges. Mais je ne peux être fier du parquet et de son travail. Je suis en détention et j’ai honte de savoir que nous avons toujours un parquet avec de telles pratiques. Notre Maroc mérite un parquet meilleur.

– Juge Torchi : Merci

– O. Radi : Merci Mr Le président.

Le 19-07-21, Salle 8, Casablanca.

%d bloggers like this:
search previous next tag category expand menu location phone mail time cart zoom edit close